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6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 07:10

Les pays occidentaux sont dans tous leurs états en débattant des questions sociétales entre autres à propos
a) de la sexualité : le droit au divorce, à l’avortement, les conditions de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG), le mariage des couples homosexuels (dit, en France, « mariage pour tous »), la procréation médicalement assistée (PMA), la grossesse pour autrui (GPA), la théorie du Genre et ses applications sur l’éducation des enfants, etc.
b) de la mort : le droit à l’euthanasie (dit « le droit à mourir dans la dignité ») en fin de vie ou encore suite à un accident réduisant la personne à une vie végétative, son extension à des mineurs, la suppression de la peine de mort, etc.
c) des droits électoraux : aux adolescents (baisse de l’âge légal à 16 ans), aux immigrés (droit de vote pour les élections municipales ou autres), etc.
d) de la laïcité : interdiction des signes ostentatoires à l’école, du voile intégral dans les espaces publics, condamnation des mutilations sexuelles infligés aux enfants (l’excision, bien entendu, mais aussi la circoncision pour motifs religieux), etc.

Sur tous ces sujets, progressistes et conservateurs s’affrontent et trop souvent s’envoient des injures et noms d’oiseau jusqu’à satiété. Des manifestations de rue, des recueils de signatures, des manifestes expriment des points de vue diamétralement opposés. Les communautés religieuses sont elles mêmes divisées, parfois jusqu’à la séparation comme par exemple la Communion anglicane sur le pastorat des femmes, l’accès d’homosexuels déclarés aux ministères, le mariage des couples homosexuels, etc.

Notre tradition unitarienne peut-elle nous apporter quelques conseils ? Celle-ci étant radicale, on peut d’abord la considérer comme tout à fait progressiste. Elle dénonça le dogme trinitaire avec l’Espagnol Michel Servet, le culte à Jésus avec le Hongrois Ferencz David, fit appel à la raison avec l’Italien Faust Socin, rappela au XVIIIème siècle anglais le monothéisme radical contre les ariens puis les sociniens, s’affirma contre le dogmatisme calviniste avec l’Américain William Ellary Channing, puis s’ouvrit aux autres patrimoines religieux de l’Humanité avec l’unitarisme-universalisme américain au XIXème siècle.

On l’aura compris, notre tradition ne cultive guère l’art du compromis, ni ne recherche un dénominateur commun ou une position centrale lors des conflits. Mais alors, en quoi peut-elle proposer ses bons offices?

A partir de la liberté d’opinion individuelle que professe notre tradition, il convient de suivre concrètement la façon dont elle peut s’exercer, ce qui la situe dans une dynamique plus large qui est celle de l’exercice de la démocratie. Constatons d’abord que, de nos jours, au sein des Etats modernes, cette liberté est reconnue. Chacun peut en effet adresser un article à un média, publier un livre, ouvrir son propre blog ou site, s’exprimer au sein de forums ou de réseaux sociaux, manifester dans la rue avec une pancarte, etc. La question est plutôt devenue : comment se faire entendre ? L’audience sur Internet et l’accès aux grands médias vont de pair avec la notoriété. Il faut travail et talent, bonnes relations aussi, et puis saisir des opportunités qui peuvent se présenter. On entre là dans la stratégie et la politique de communication. Pour les plus pressés, il faut apprendre la patience et la persévérance …et l’art de se faire des amis.

Dans la défense et la promotion des causes sociétales, il convient de distinguer les espaces d’action, où se regroupent des militants et des sympathisants, des espaces plus larges de discussion où les opinions ne peuvent être que diverses. Dans ceux-ci le forcing militant peut choquer par son intransigeance, ses répétitions, la monopolisation de la parole, la diabolisation d’autrui, les procès d’intention, les attaques personnelles, etc. Avec ses salons mondains et littéraires, la France de Louis XIV et du Siècle des Lumières a toute une tradition de la causerie courtoise où l’élégance et les bonnes manières étaient de mise. Il faudrait s’en souvenir !

Vouloir communiquer des idées c’est être convainquant et non point sectaire ; c’est d’abord apporter de l’information, des faits et des analyses. C’est accepter d’embrasser toute la complexité d’une question et ne pas rejeter à priori, d’un revers de main, les diverses autres approches possibles . C’est affirmer un argumentaire et un choix mais sans pour autant caricaturer les positions adverses ni les ridiculiser. C’est tenir compte de ce que dit l’autre, accepter sa contribution, sa part de vérité, s’enrichir dans la discussion en élargissant s’il le faut son propre positionnement initial. C’est aussi avoir le plaisir d’échanger avec des amis dont on apprécie la réflexion et le travail. Bref, tout le contraire des crispations.

Ne pas réduire son interlocuteur à un mot de travers genre_aux_toilettes.jpgqui n’a pas plû, ne pas le mettre dans une case toute étiquetée, comprendre ce qu’il dit sans déformer ses propos, ne pas répondre à côté en noyant le poisson dans l’eau avec plein d’autres sujets, etc. Surtout ne pas oublier que la relation est interpersonnelle et nécessite le respect de l’autre. Et puis, au lieu de se fâcher, faisons preuve d’humour en sachant que les avis divergents ne sont pas forcément l’annonce de la fin du monde ! En somme, liberté de pensée et d’expression dans le respect des autres …

Il nous faut aussi accepter qu’en démocratie, par un vote final, le « moi » doit laisser la place au « nous ». Mais avec quelle majorité ? Souvent les décisions sont prises à la majorité simple, mais lorsque celle-ci est étroite on arrive à du +ou- 50% et on se retrouve avec une communauté, une ville ou un pays divisé en deux, avec une forte opposition qui n’a de cesse de harceler la majorité. Or, du moins pour les questions sociétales, plus la majorité est forte plus le changement de mœurs sera possible. Quant aux petites communautés, c’est assurément vers le consensus qu’il nous faut tendre. Autre méthode, que les synodes protestants expérimentent : établir un calendrier afin de laisser aux communautés locales le temps de s’organiser (et de se retourner !) pour appliquer les nouvelles règles. Mais entre progressistes, à qui on reproche d’être trop précipités, et conservateurs, à qui on reproche leur refus de voir la souffrance des personnes en attente de décisions importantes pour elles, y a-t-il place pour une évolution progressive (et non plus progressiste !) au rythme des sociétés concernées, rendant ainsi plus facile le changement dans des sociétés qui ont tout un passé, un héritage culturel et religieux ?

Au-delà de nos sociétés modernes où s’affrontent progressistes et conservateurs, les sociétés plus traditionnelles nous observent, citent nos excès et les répètent en boucle ; certaines rejettent catégoriquement, parfois avec horreur et haine, ce qu’elles appellent l’occidentalisation des mœurs. Le monde lui aussi se divise entre progressistes et conservateurs … Une raison de plus pour mieux nous comporter dans nos polémiques !

 

Ajout du 7 février 2014, message de Régis Pluchet au sein du groupe Unitariens francophones sur Facebook :

Les méthodes de communication non violentes sont encore trop peu connues et l'Internet favorise, hélas, une communication violente où la réflexion, le recul et le respect de l'autre ont peu de place. Il n'y a plus qu'une logique de compétition dans laquelle chacun se croit obligé de caricaturer et délégitimer la parole de l'autre. Dans les méthodes non violentes, on cherche à ce qu'il n'y ait pas un gagnant et un perdant, donc on cherche avant tout le consensus, avec des concessions réciproques et comme ce consensus est difficile à trouver entre grands groupes, il reste la solution lorsque c'est la majorité qui l'emporte de prévoir des compensations pour la minorité, en lui donnant raison sur certaines de ses réclamations. Ces méthodes pourraient être utilisées avec profit par les parlementaires eux-mêmes pour leurs travaux. A noter qu'il existe déjà de nombreux centres de résolution de conflits dans cet optique ( lien).

Rappel, nos Actualités unitariennes accordent une grande importance à cette démarche avec leur rubrique "La Non-Violence" (15 articles à ce jour),lien.

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